la fin des traitements

Pendant la chimio, si le physique en a pris un coup, je ne vous parle pas du moral. J’exècre les gens qui vous disent (ne me dites pas que vous n’en avez pas rencontrés) : « le moral c’est 50% de la guérison ! », cela veut-il dire  que sans moral on n’a peu de chance de guérir? Et du coup on culpabilise :  je ne vais pas bien je ne m’en sortirais pas.

Je n’ai jamais eu le moral, JAMAIS.J’ai toujours été désespérée par ce qui m’arrivait, en colère parfois, malheureuse tout le temps.

Je ne me suis pas battue non plus. Battue contre quoi? des cellules microscopiques et invisibles? Je suis allée comme un bon petit soldat (expression de mon père que je déteste ) à toutes les opérations, toutes les chimios mais pas la fleur au fusil :-(. Non je ne me suis pas battue, je n’ai juste pas eu d’autre choix que de me soigner pour vivre.

Mon gentil cancerologue, me voyant déperir à vue d’oeil, me propose (il n’impose jamais il propose, même la chimio!!) de suivre une psychothérapie à l’hôpital. j’ai déjà entamé (et pas fini) une analyse, alors je ne suis pas contre.

Et je rencontre Claire, une femme plus jeune que moi, extrêmement calme, apaisante.Nous nous verrons pendant deux ans et elle a été d’une aide necessaire et absolue. Pendant les 6 premiers mois, fatiguée par les traitements, nous avions même des consultations téléphoniques . Je n’ai donc jamais loupé une séance. J’ai pu déverser auprès d’elle ma colère, ma peine, mes peurs, lui parler de tout, de moi, de mon mari, de mes enfants, de mes amis, des soignants, de la maladie, de la vie et de ce que je redoutais le plus : la mort.

C’est avec elle, que j’ai trouvé la réponse à « pourquoi moi »?…..Et la réponse c’est …….pourquoi pas, pourquoi pas moi ! Comme la bombe qui aneantit un immeuble plutot qu’un autre, c’est comme ça, on n’y peut rien.Pourquoi serait on épargné plus qu’un autre? Contre toute attente, cette réponse m’ a apaisée parce qu’elle niait l’eventualité que j’ai pu être responsable de ce qui m’arrivait.Et ma colère est retombée pour faire place à une peine incommensurable.

Au bout de quelques mois, elle a  considéré que mon angoisse était trop forte et m’a indiqué les coordonnées d’un mèdecin generaliste afin qu’il me prescrive des antidepresseurs. Ah divin prozac sensé faire voir la vie en rose. Mais peut on faire voir le rose à quelqu’un qui survit dans le noir? Je n’ai pas été sensible au prozac mais je l’ai pris consciencieusement en me disant que sans, ça aurait peut être été pire encore.

Les traitement étaient finis mais je n’arrivais pas à me sentir soulagée. Rémission quel mot!

Définition du Petit Larousse : « atténuation ou disparition TEMPORAIRE des symptômes d’une maladie ; guérison dont on n’est ABSOLUMENT PAS CERTAIN ».

Oui vous avez bien lu. Comment peut on être certaine alors que les médecins ne le sont pas????

Temporaire? Allez reprenons le dictionnaire : « qui ne dure que peu de temps, momentané, provisoire »

Que dire de plus. Voilà les traitements sont finis, mais c’est temporaire et on n’ est pas certain.

Pourtant, d’après les gens qui m’entourent (et Jean Claude le premier) je dois y croire… tourner la page, c’est TER-MI-NE, on peut souffler enfin. Mais je n’y crois pas, l’angoisse est là me ronge, chaque jour, un peu plus. Je ne vis plus.
J’ai l’impression qu’on ne me comprend pas, d’être seule face à cette peur viscérale de récidiver et de mourir. Et cette angoisse ne me lachera pas pendant des mois. Mais revenons un peu en arrière.

Je ne vous ai pas parlé de ma kiné. Les femmes opérées le savent, après une mastectomie et un curage ganglionnaire on a besoin de massages: d’une part pour que la cicatrice reste souple en vue d’une future reconstruction et d’autre part pour éviter le fameux lymphoedème ou gros bras.

Pendant ces 6 mois de chimio j’ai donc été à mes seances ou plutôt je me suis trainée à ces seances qui physiquement me faisaient beaucoup de bien. Je dis physiquement parce que moralement j’ai souffert le martyr. Ce n’est pas de sa faute, mais ma kiné est une femme de mon age, plutot jolie, les cheveux très longs (!!), obsédée par son poids (moi j’ai pris 10 kg grace à la cortisone !) et la maladie (qu’elle cotoie pourtant de près) et très bavarde . J’ai donc subie ses papotages toujours centrés autour de gens malades (certains bien plus que moi), de recidives, de décès parfois….. Je n’avais pas envie, mais alors pas du tout envie d’entendre ces histoires qui se terminaient souvent mal… Mais aurais-je pu supporter d’avantage un babillage superficiel sur les derniers vêtements à la mode?

Durant notre parcours, on est amené à croiser le chemin de personnes pas forcement très fines (ça m’arrive encore maintenant!) et on apprend à ne plus ecouter, ne plus entendre. Je ferme les yeux et tel un enfant autiste qui met la main sur ses oreilles, je m’isole du monde extérieur. Là aussi, j’y suis allée pendant 2 ans et pendant ces deux années, j’ai fermé les yeux!

Mais revenons à novembre 2001 et le rendez vous avec le chirurgien pour ma reconstruction.Dieu que je l’ai attendue!

1ere deception il m’explique qu’elle aura lieu en deux temps à trois mois d’intervalle. 1ere etape le sein lui meme et son jumeau (pour symetrisation) 2ème étape l’aréole .

Et à nouveau déception non, on ne peut pas demander la taille que l’on veut 😦

Il faut vous avouer que je fais un petit 85B, avec des seins un peu dégonflés par mes deux grossesses. Je pensais naïvement pouvoir profiter de tout ça pour faire une augmentation mammaire ni vue ni connue! Un petit 85c, voir mieux m’aurait convenu. Oui mais voilà, mon chirurgien est consciencieux et me dit que compte tenu de ma taille (1m58), ce que je demande serait disproportionné. Il ajoute que le physique de Barbie n’existe pas dans la réalité autrement dit , dans la vraie vie on ne peut pas faire un36 et avoir la poitrine de Pamela Anderson! Contre toute attente mon mari est ravi, il ne s’imaginait pas avec Pamela :-).

Retour à la clinique mais cette fois pour une opération qui me rejouit le coeur. Je retrouve ma gentille infirmière ravie de me revoir dans de meilleures circonstances.
Que vous dire, l’opération a été douloureuse, très douloureuse. Pourtant je n’ai eu, compte tenu de ma petite poitrine, qu’une opération bénigne puisqu’avec prothèse en silicone.

Mais je suis tombée sur une infirmière de nuit d’une bêtise sans nom.
Vous savez qu’en France on ne donne pas de morphine en première intention (pour ce genre d’opération). Alors gentimment elle m’a administré du diantalvic en intraveineuse plutot que de me faire une piqure de morphine. Mais, mon système veineux, grace à l’impasse sur le cathéter, est devenu quasiment inexistant à cause de la chimio, et aucun produit ne passe. J’ai eu beau lui réclamer de la morphine toute la nuit elle a refusé  malgré mes insultes. Je vous fais grâce des détails de mes souffrances.

Le lendemain matin, j’attends avec impatience ma petite infirmière et le changement de pansement,  je veux voir. Je devine bien sous la chemise, les deux grosses (?) bosses que dessine ma nouvelle poitrine. Oui vous avez bien lu « grosses bosses ». Peut être m’a-t-il entendu? Il a fait une augmentation que j’appellerai significative !!!!

Quelle ne fut pas ma deception à l’arrivée de ma jolie infirmière. Le pansement et l’oedeme m’ont fait miroiter ce 85C tant espéré mais il n’en est rien…. La deception passée, je me contemple. Bien sur, j’ai une cicatrice qui traverse de part en part le sein opéré mais qu’importe je suis redevenue femme .

je sors de la clinique avec un soutien gorge style « coeur croisé », un bandeau en elastoplasme pour maintenir ma nouvelle poitrine le tout pour 15 longs jours. Ensuite interdiction de porter des soutien gorge avec armatures pendant 3 mois, je devrais faire l’impasse sur les petits dessous dont je rêve pendant un temps. Mais je suis aux anges, cette reconstruction est parfaitement réussie. Elle plait à mon  entourage mari et amies, je n’ai plus qu’à attendre les finitions prévues pour le mois de mars.

Cela fait 1 an que j’ai arrêté de travailler mais je ne me sens pas encore le courage de recommencer même à mi temps thérapeutique. Je travaille dans un monde très superficiel : les ventes aux enchères, nous vendons du rêve, du luxe, du superflu…. Les gens sont obnubilés par l’argent et les « affaires »qu’ils peuvent réaliser. Vais-je pouvoir affronter ce monde après ce que je viens de vivre?

Mon cancérologue est du même avis, c’est trop tôt, attendons la deuxième phase de la reconstruction, j’ai encore besoin de me reposer.

Mars 2002 l’opération de l’aréole consiste à prélever un petit bout de peau dans l’aine et à le greffer sur le sein, elle se fait en ambulatoire sous anesthésie locale. Tout se passe bien, je marche comme Lucky Luke pendant plusieurs jours sinon rien à signaler. le résultat est plutôt  joli.

Voilà, 14 mois ont passé. Mon chirugien m’avait dit, au tout début:  » un cancer ? c’est un an dans la vie d’une femme ».

Oui, un an entre parenthèse, un an de non vie, un an de souffrance absolue dont on ressort transformée, meurtrie, épuisée mais vivante.

26/10/2009