dédale et labyrinthe au bord de l’enfer

Le lendemain, j’appelle le bureau pour leur dire que je ne viendrais pas, je ne viendrais plus, j’explique, je bafouille, je pleure.

Je ne pense qu’à une chose : je vais mourir, ma tante en est morte il y a deux ans, je n’en rechapperai pas.

Je ne sais pas quoi dire , à mes parents, à mes amis alors j’explique cash :

« j’ai un cancer »

voilà sans gant, sans aucune precaution, je n’epargne personne sauf mes enfants à qui je n’explique rien…. pour l’instant. Nous sommes un week end, je ne peux rien faire, je reste avec mon angoisse qui se transforme bientôt en douleurs partout, dans tout le corps. Tout de suite je pense metastases- sos mèdecins – diagnostic angoisse et stress, ordonnance d’anxyolitiques.

Je n’arrive plus à reflechir de façon cohérente : ma terre s’est ecroulée…..

Puis arrive le lundi, sur les conseils d’un ami mèdecin  je prends plusieurs rendez vous : d’abord l’hopital Saint Louis conseillé par mon gynecologue mais pour avoir un deuxième avis , j’arrive à obtenir un rendez vous à Curie avec recommandation.

Je vais à ces deux rendez vous avec mon mari, Jean Claude, bien incapable de comprendre toutes les informations distillées  par les cancerologues.

D’abord Saint Louis et le docteur Marc Espié un homme doux, empathique mais très clair :

« dans votre cas, je vous recommanderai l’ablation du sein  suivie de seances de chimiotherapie avec possibilité d’une reconstruction dans les 6/8 mois ». L’horreur continue, on pense avoir atteint l’enfer mais on repousse les limites et on descend encore plus bas : mastectomie (il y a deux jours je ne savais même pas ce que ça voulait dire!) chimiotherapie ? en clair ce mèdecin me « propose » de me faire perdre un sein et mes cheveux !!! Mais malgré tout, nous avons une excellente première impression, il est gentil, calme, clair et sans détour ; rendez vous est pris avec le chirurgien pour planifier l’operation.

Le lendemain rendez vous à Curie avec un eminent chirurgien le Docteur K.K dont je tairai le nom ici. (certaines le reconnaitront) Une attente interminable dans la salle d’attente et là, contre toute attente, le stress l’emporte et nous sommes secoués de fou-rires (des trucs idiots )…
Puis nous sommes introduits dans une sorte de sas minuscule dans lequel on me demande de me deshabiller et d’attendre, l’horreur, mais encore ces rires incontrolables. Enfin nous sommes invités à voir « the doctor » : 10 minutes montre en main pour s’entendre dire : « vous avez un petit cancer nous allons prendre rendez vous pour une tumorectomie (tiens on ne m’enlève pas le sein ici?) mais à moins que nous ayions en 5 minutes tisser des liens particuliers, je ne vous opererais pas en personne, vous serez opéré par le dr X tel jour à 18H30 merci au revoir ». (je cite!!!!)

Nous sortons, estomaqués par la rapidité de l’entretien, les différences de diagnostics, de propositions de traitements, de manière de considérer le patient. Mon mari, dans le couloir me donne son  point de vue : « hors de question que tu te fasses opérer ici, tu n’es pas un numéro ». Oui mais ici ils veulent me conserver mon sein !!!!!

Alors commence une valse d’hesitation entre st Louis et Curie, entre mastectomie et tumorectomie, petit cancer et  cancer agressif…… Je prends rendez vous dans les deux endroits : le lundi je dois subir une tumorectomie à Curie le jeudi une mastectomie à st Louis. Je deviens schizophrène. Je ne sais plus quoi faire, j’hesite, je reflechis, je pese le pour ou le contre. Mon sein vaut-il la peine que l’on tente le diable? Pourquoi le sacrifier si un professeur renommé me propose de le conserver. N’est ce pas une approche thérapeutique plus neuve , maintenant on cible mieux les tumeurs… Mon mari ne déroge pas de son point de vue, il faut mettre toutes les chances de notre côté. Mon sein sera reconstruit, il faut prendre le mal à bras le corps…..

Mais comment choisir …..

Finalement, avec l’aide de mon ami mèdecin et de Jean Claude, je choisis la pire des solutions, perdre une partie de moi même , je choisis la voie de la sagesse, couper le mal, l’extirper de mon corps, ne pas risquer que la moindre petite cellule cancereuse ne s’installe dans ce sein et ne me tue. J’annule les rendez vous à Curie et me prépare à me séparer de mon sein pour vivre ou survivre.

Mais je n’imaginais pas encore que c’était le début d’un long chemin dont je n’avais pas apprehendé les méandres….

03/10/2009