La nouvelle campagne de l’INCa veut changer les regards
Dans la droite ligne des « Héros ordinaires » de 2007, Nora Berra, secrétaire d’Etat à la santé et l’Inca nous ont concocté une nouvelle campagne qui va certainement faire parler d’elle. Cette dernière s’organise atour de trois axes phares et veut résolument faire évoluer l’image sociale des cancers. En avant première ce que vous allez voir sur les abribus des grandes villes, stations de métro et gares et dans vos postes de télévision.
Pourquoi cette campagne ?
Si l’image du cancer a un peu évolué depuis quelques décennies, il reste encore un énorme décalage entre le vécu des malades et le regard que leur porte la société. Nous avons toutes ressenti cette stigmatisation dès l’annonce de la maladie et bien après les traitements. Le constat est clair et les chiffres d’une étude Ipsos/INCa datant de 2007 rappelés par Madame Nora Berra lors de la conférence de presse le corroborent : 61% des français considèrent le cancer comme la pire des maladies et 42% préfèrent ne pas y penser tellement ils en ont peur ! Conclusion, les malades déjà affaiblis par ce qu’ils vivent se retrouvent face à des « bien-portants » qui, par crainte ou par maladresse les ignorent, les oublient voire les fuient. Le malaise s’installe et cette mise à distance nous plonge dans une détresse supplémentaire inutile et parfaitement injuste.
Monsieur Peretti- Watel, sociologue à l’Inserm nous a rappelé que, « cette maladie a toujours suscité l’horreur et la peur » et ce, depuis la nuit des temps. Et aujourd’hui encore les personnes interrogées utilisent pour en parler des champs lexicaux liés à la mort, la déchéance, la gravité, la souffrance ou encore la peur. Les métaphores employées dans les médias sont toujours en corrélation avec les grands fléaux de notre société. Dois-je vous rappeler qu’il y a quelques jours encore, Monsieur Wauquiez a fait couler beaucoup d’encre avec sa phrase malheureuse sur l’assistanat !!! Et si nos charmants politiques hautement médiatisés se permettent ce genre de dérive, notamment après le décès tragique de l’un d’eux, comment imaginer que le commun des mortels parvienne à considérer le cancer comme une maladie lambda. La peste a donné l’adjectif pestiféré, et notre ministre des affaires étrangères est resté au temps du pavillon des cancéreux !
Et pourtant malgré les propos archaïques de certains, la réalité n’est plus la même. La ligue contre le cancer sortait en 1927 une campagne choc qui titrait « Tuez le cancer avant qu’il ne vous tue ». mais depuis, la recherche a fait beaucoup de progrès ; et même si nous trouvons nous malades, qu’elle n’avance qu’à tous petits pas, force est de constater que nous sommes de plus en plus nombreux à vivre un après.
L’INCa a donc choisi de titrer sa campagne : « la recherche sur les cancers avance, changeons de regard ».
Les moyens employés
Parce que maintenant reste à convaincre l’opinion publique ! Pour ce faire, l’INCa a décidé de frapper fort en lançant en parallèle trois dispositifs que nous a présentés sa nouvelle Présidente Agnès Buzyn :
- une importante campagne d’affichage que vous pourrez voir pendant 8 jours dans tous les abribus, gares et métros qui comporte des visuels fonctionnant par paire que je vous laisse découvrir :
- Deux films de 30 secondes, réalisés par Jacques Audiard, qui seront diffusés sur les grandes chaines télé du 22 mai au 11 juin :
- Une page Facebook « mobilisons nous contre les cancers » et la ligne téléphonique de cancer info (0810 810 821) sur lesquelles les malades pourront apporter leurs témoignages : ce qui les a aidés, ou leu a manqué, ce qu’ils aimeraient voir changer … l’occasion aussi de donner votre avis sur cette campagne qui si elle ne nous est pas directement destinée, nous concerne au premier plan.
J’étais très curieuse de découvrir ce nouveau dispositif qui finalement, je dois le dire, me plait beaucoup et que je trouve très bien vu. Il m’est souvent arrivé en effet, de constater que je n’étais plus une personne capable de sourire, de rire, de parler d’autres choses mais que j’étais réduite à cette maladie qui me rongeait …. Les affiches retranscrivent à merveille ce que j’aurais aimé dire, pour ne pas dire hurler parfois à mon entourage !
Pour les films, j’ai particulièrement aimé celui du voisinage, mais pour celui qui met en scène cette femme de retour au travail, je poserai un bémol. La phrase « nous sommes de plus en plus nombreux à guérir d’un cancer » en fin de spot, peut en effet, avoir un effet pervers. A la conférence de presse, il nous a été dit que « si pour les médecins la guérison s’apparente à un retour à la normale, pour les malades, être guéris c’est retrouver une VIE normale ». Et c’est là que se situe le nœud du problème. Le gouvernement et l’INCa, depuis le plan cancer II s’acharnent à parler de guérison alors que, dans le même temps, nos chers médecins continuent à refuser d’employer ce terme … Il faudrait accorder les violons de tous ce qui nous permettrait à nous, patients, de nous y retrouver. Se sentir guéri, passe par le regard des autres mais aussi par son propre regard malheureusement étroitement lié à ce que nous disent les soignants et aux examens de surveillance qu’ils nous prescrivent à longueur de temps. Nous nous sentons bien souvent en sursis. 50% des cancers sont guéris à 5 ans : j’adorerais en persuader mon cancéro que je vois toujours régulièrement au bout de 10 ans!
Quoi qu’il en soit et mise à part cette petite mise au point, il me semble que ce genre de campagne est nécessaire si ce n’est suffisante. J’espère qu’elle aura un impact important sur la population et que les gens ne zapperont pas ou ne plongeront pas leur nez dans leur journal relatant les dernières frasques de DSK. Alors bravo à l’INCa d’essayer de faire en sorte que cette stigmatisation insupportable des malades cesse. Et si je ne crois pas un instant que cela aplanira nos problèmes pour trouver un travail, acheter un appartement ou obtenir un crédit, j’espère qu’elle changera un peu le regard de nos voisins, collègues ou amis, nous permettra de transformer notre quotidien et de vivre dignement la maladie et son après. Et vous qu’en pensez-vous?
Catherine Cerisey
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Je ne sais pas si cela changera vraiment le regard des autres a qui le cancer fait toujours peur !
Pour ma part autour de moi le vide s’est fait amis , famille : et pourtant physiquement j’ai toujours sauvé les apparences et je ne pense pas ressembler a un monstre …
Je precise que je travaille dans le domaine de la santé et que la premiere reaction a ete : « Ah non pas toi »
Bon courage a toutes
Bonjour Catherine, cet article est tout à fait pertinent. C’est vrai il faut changer le regard des gens à propos du cancer. Mais est-ce-que notre regard de cancéreux est-il tellement différent du regard des personnes qui nous côtoient? Je n’en ai pas l’intime conviction, pas avec tout ce que je peux lire sur les blogs. Ne m’en veux pas d’être franche, mais même les malades ont cette approche de peur. Tu me diras que c’est à juste titre. Bien sûre, mais nous ne sommes pas obligés de rester dans cette énergie de peur qui nous paralyse et nous empêche d’avancer. Le regard que l’on pose sur nous n’est que le reflet de notre propre regard. Transformons notre propre approche du cancer et la vie nous apparaîtra différente aussi.
Bien à vous Catherine et à nous tous
Jeannine
J’ai häte de voir la tête des gens ,vont ils vraiment regarder ou vont ils faire comme pour les paquets de cigarettes IGNORER!!
Je suis d’accord avec toi ,le mot guéri ne me convient pas et ne me rassure pas !!!!!nos médecins ne le prononcent pas et j’attends les 5 ans pour piéger l’onco !!!!!ils y a encore beaucoup à faire et changer les mentalités ce n’est pas rien .Dés que je le peux je dis le mot cancer et je choque tout le monde !!!!
Mais bon, c’est déja un pas…….
Merci encore Catherine pour ton article pertinent.
D’accord avec toi pour la phrase » nous sommes de plus en plus nombreux à guérir d’un cancer » qui me fait aussi du mal. Comme si ce n’était rien. Entre faire peur et devoir faire comme si de rien n’était il ya un juste milieu c’est certain.
En tous cas je trouve la mesure a propos, plutot réussie et j’espère efficace pour le grand public mais aussi pour le monde médical parfois.
Personnellement, je n’apprécie pas le 2e spot car il reprend toutes les phrases qui m’ont énervée à la reprise du travail (!) : Si tu reprends le travail c’est que tout va bien/NON çà m’évite de brasser les idées noires c’est aussi pour çà que je reprends plus tôt…Ah bon vous êtes fatiguée ?! Pourtant vous avez terminez les traitements, non ?! /OUI j’ai terminé mais c’était un peu plus qu’un gros rhume… Bon, maintenant vous revenue parmis nous, vous êtes guérie, vous allez pouvoir passer à autre chose/ NON bizarrement l’angoisse est toujours là et plus les dates d’exams de contrôle approchent plus elle grandit. GRRR !! Il m’énerve ce spot 😉
Ces spots ont le mérite d’être courts et sympas.
En même temps, il peu y avoir plein de gens qui font semblant autour de soi, c’est pas forcément mieux 🙂
Mais par rapport à la campagne anti-tabac en direction des jeunes, qui est longue, opaque et pas jeune pour un sou, c’est plutôt bien !
C’est ici :
http://www.cnct.fr/communiques-de-presse-44/l-envers-du-decor-une-nouvelle-campagne-pour-denoncer-les-profits-49.html
bizzzz
Méli
Heu pardon, c’est ici :
http://www.cnct.fr/
Coucou les filles,
je suis ravie qu’à part quelques bémols, cette campagne vous plaise…. J’ai vu cet après midi les premières affiches sur les abribus de ma ville et je trouve qu’elles sont vraiment parlantes et bien pensées… En espérant qu’elles fassent réfléchir certains…
Gros bisous à toutes
Catherine
bonsoir Catherine,
Encore une initiative pour faire avancer les mentalités vers une compréhension de ce nous vivons mais il y a toujours des réflexions qui agacent même venant de nos proches.
Souhaitons que cette campagne soit plus efficace que
celle de la lutte anti-tabac!!!
Cependant, je me demande, si ,à force de trop en parler, on n’arrive pas à lasser les gens .
A bientôt
Bonjour Catherine,
Vous sollicitez notre avis sur cette nouvelle campagne, je vous lis souvent mais je ne suis jamais intervenue jusqu’à présent car je suis souvent en accord avec vos positions. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. A mon sens, cette campagne n’est pas recevable, ni pour l’opinion publique, ni pour les personnes atteintes d’un cancer. Si vous le permettez, je vais expliquer mon point de vue
1. Vous parlez de distance entre notre réalité et celle que la société porte sur « nous-autres ». Indéniablement, il y a un problème. Mais est-ce à l’opinion publique de décider d’une campagne… je ne le crois pas. Vous mentionnez certains sondages, et bien, puisque « 61 % des Français pensent que le cancer est la pire des maladies » et que « 42 % préfèrent ne pas y penser » il y a effectivement un message à faire passer. En premier lieu, expliquer à nos concitoyens que ce problème les concerne même s’il « fait peur », la politique de l’autruche est rarement la meilleure. Une personne sur trois rencontrera le cancer dans sa vie… Taire ou arrondir les aspects les plus dérangeants de ce mal n’est pas viable à moyen terme. Trop de cancéreux se rendront compte de l’ineptie de certains slogans. Toute campagne ultérieure y perdra en crédibilité (ce qui est extrêmement dommageable !)
Ce n’est pas parce que l’opinion publique n’est pas prête « à entendre » qu’il faut renoncer à l’informer ! Le rôle des nos instances sanitaires et politiques est de procéder à ce travail didactique ingrat et difficile. Une campagne qui brosse dans le sens de l’opinion publique est inutile ! Il est évident que si nous continuons à édulcorer les discours institutionnels, nos concitoyens ne seront jamais prêts à se faire « dépister » et encore moins à changer leurs attitudes et clichés face à notre mal.
Effectivement, le cancer du sein hormonodépendant est décrit depuis l’antiquité. Nous le savons. Vous parlez de la portée symbolique que le cancer revêt depuis la nuit des temps. Je fais ce parallèle pour rappeler que ce cancer du sein hormonodépendant est encore meurtrier… Parler d’avancées me semble ignorer la crudité des chiffres qui sanctionnent la réalité ! Plus de 11000 femmes meurent chaque année d’un cancer du sein (hormonodépendant ou non). Je pense qu’une campagne qui pointe une femme atteinte d’un cancer comme une personne « guérie » frise la désinformation car pour le grand public le cancer du sein est le cancer féminin par excellence (notre cancer est le 2ème marché sur le podium économique, il arrive juste après celui des poumons…) Toute campagne qui cautionne des arguments fallacieux (tels que la guérison) ou qui minimise la réalité des difficultés liée aux traitements et à leurs séquelles est un outrage que nous faisons à ces femmes (dont nous sommes toutes les deux, hélas !)
2. J’en arrive à mon deuxième argument, un être humain ne se caractérise pas par une maladie, c’est du moins un pré-requis dans une société dite « civilisée ». Alors, je ne vois pas pourquoi on insiste si lourdement sur ce fait ! Insister sur une ambivalence nauséabonde renforce l’idée même qu’il puisse y avoir un doute ! Je me demande comment certains esprits ont pu assimiler la maladie à la déchéance de l’humanité ! Et c’est ainsi qu’on peut comprendre ou interpréter cette campagne ! Implicitement, elle cautionne ce parallèle ! Il nous sera impossible de mesurer l’impact négatif de tels « sous-entendus » ! Mais il risque d’être très élevé, je le redoute vraiment… Voilà pourquoi cette campagne ne me plait pas. A mon sens, elle n’apporte rien et me semble même contre-productive…
3. Parlons enfin des clips…Ils ne me hérissent, je le reconnais. Pour les raisons citées précédemment et pour bien d’autres encore. Je vois un chien grogner après un cancéreux ? La portée de cette image et son message sont incommensurables… Quelle honte ! Quant aux coûts de ces campagnes, je préfère ne pas y penser ! Cet argent aurait sans doute été plus utile à la recherche ou au confort des malades ! De même, comme vous l’avez d’ailleurs souligné, comment a-t-on pu laisser le mot guérison s’égarer dans le clip qui parle d’une cancéreuse en rémission ? Je ne le sais pas, mais je m’interroge ! Je pense qu’il va falloir être aveugle et sourde durant quelques jours plutôt que de subir les affronts de cette campagne…
Désolée Catherine mais je ne pouvais pas me taire… J’aimerais pouvoir retrancher la charge de cette campagne sur ma déclaration d’impôts tellement elle me choque et tant je me sens « déniée » en tant que cancéreuse qui travaille, qui survit et qui se demande bien comment elle va faire pour expliquer clairement à ses proches qu’elle n’est pas guérie, qu’elle souffre de séquelles et que tous ces beaux messages ne sont que de la poudre aux yeux…
Bien cordialement,
Giante…
Est-ce un affront que de dire ou entendre dire : ‘nous sommes de plus en plus nombreux à guérir d’un cancer’. Moi, c’est plutôt le genre de phrase que j’aime bien entendre.
Ce qui par contre, me surprend plus, c’est que le fait qu’il y a de plus en plus de survivants devrait faire changer le regard. Cela voudrait dire que les gens (non malades) devraient changer leur comportement parce que la personne cancéreuse qu’ils cotoyent ne va peut-être, voire sûrement pas mourir. Et que donc ils pourraient l’inviter à déjeuner plus facilement ?
Et que par contre, si elle avait une maladie absoluement incurable et mortelle à court terme, alors là, on comprendrait bien qu’on ait pas envie de manger avec ?!!!
Ha ben oui, quand on commence à chercher des poux, on en trouve 🙂
C’est bien compliqué tout ça, on ne veut pas paraître pestiféré, et en même temps, on veut pas que les gens banalisent trop.
Bonjour les filles,
@Germaine : j’espère que ces campagnes ne vont pas lasser à l’instar d’octobre rose qui en a effectivement agacé plus d’un… attendons la suite
@Giante : merci de votre long commentaire. je suis ravie que vous puissiez vous exprimer ici et vous engage à le faire même lorsque vous êtes d’accord avec moi d’ailleurs ! :-).
je comprends votre colère mais je pense que malheureusement les campagnes publicitaires ne feront jamais l’unanimité. Il est extrêmement difficile de trouver le ton juste et de ne blesser personne tout en faisant passer un message fort!
Il me semble que sur le point n°2 vous faites un contre sens. c’est bien pour lutter contre cette deshumanisation des personnes malades que l’INCa à imaginer ce message. Elle existe, vous le savez comme moi,et ce message choc est là pour faire bouger les choses.
Pour les points 1 et 3 nous nous rejoignons je crois : je lutte dans ce blog pour faire comprendre qu’effectivement ce cancer tue encore, que nous en sommes jamais guéries mais je souhaite le faire aussi en disant haut et fort qu’il est possible de s’en sortir et j’en suis la preuve « vivante ».
Mais je comprends néanmoins la désagréable sensation (pour ne pas dire plus) que vous avez éprouvé en lisant mon post et en voyant ces affiches.
je vous engage à poster votre commentaire sur la page facebook de l’INCa qui a été crée pour nous malades afin que nous puissions nous exprimer. (l’adresse est en fin d’article). J’ai rencontré les personnes de l’INCa qui sont à l’origine de la campagne et ils attendent aussi les critiques pour pouvoir avancer, s’améliorer et dispenser les bons messages qui feront bouger les choses dans le bon sens. C’est leur souhait et le notre évidemment alors travaillons ensemble pour que cette maladie soit considérer pour ce qu’elle est : un fleau, une pandémie qu’il faut éradiquer.
je suis ravie de vous avoir lu et vous remercie d’avoir eu la gentillesse de prendre le temps de m’exposer votre sentiment, même et surtout parce qu’il est en contradiction avec le mien.
A très vite
Catherine
Pffft, compliqué tout ça ! L’idée serait peut être de faire participer les malades à la création des campagnes afin de ne blesser personne et de parler juste! je l’ai suggéré à l’INCa mais c’est peut être difficile à mettre en place et de toutes façons personne ne détient la vérité ..
gros bisous