Arrêt de l’hormonothérapie, un risque calculé?

A la suite des traitements lourds, les femmes souffrant d’un cancer hormonodépendant (60% des cancers du sein) se voient prescrire un traitement par tamoxifène ou anti aromatases. Bien souvent, les médecins et les proches considèrent ce petit cachet quotidien comme anodin comparé à la chimiothérapie et son cortège d’effets secondaires. En réalité, ces femmes doivent subir nombres d’effets indésirables et elles sont près de 40% à jeter l’éponge et  décider d’arrêter de le prendre en dépit des risques encourus.

Le 21 mars dernier le Journal of Clinical Oncology publiait une étude menée sur une cohorte de 3449  femmes sous hormonothérapie. La moitié d’entre elles ont pris le traitement pendant 2 ans, tandis que l’autre moitié a continué durant les 5 ans préconisés actuellement dans les protocoles. Les résultats sont édifiants : 2 ans de traitement réduit de 29% le risque de rechute et de 17% celui de décès, tandis qu’avec 5 ans on obtient 47% de récidives en moins et une mortalité qui baisse de 26%.

Bien sur que sont les chiffres, les statistiques face à une qualité de vie mise à mal à ce point? En effet, les femmes rapportent trop souvent des effets terriblement invalidants et peu compatibles avec leur quotidien  : douleurs articulaires, céphalées, bouffées de chaleur, insomnie, et sautes d’humeurs (voire dépression) , ménopause précoce, sans oublier la sécheresse vaginale et la chute vertigineuse de libido qui empêchent toute vie sexuelle satisfaisante. …  Ces effets secondaires bien réels et souvent niés par un corps médical préoccupé uniquement à nous sauver la vie s’installent non pas pour quelques mois comme pour la chimio mais bien 5 longues années allant jusqu’à empêcher toute vie sociale ou professionnelle acceptable.

L’une de mes amies d’infortune, a récemment jeté à la poubelle sa boite de tamoxifène après quelques mois d’un véritable enfer. Discussions houleuses, incompréhension et peur de ma part face à la décision d’une personne que j’aime, m’ont conduit à m’interroger plus avant sur le choix qu’elle a fait et ce risque qu’elle a décidé de prendre sciemment.

De mon côté, comme beaucoup, j’ai aussi arrêté le traitement pendant quelques semaines. Mais l’angoisse de la rechute a été plus forte et après des jours à me questionner, à mesurer le danger, à peser des heures durant  le pour et le contre, j’ai vite repris la pilule tant détestée. Mon oncologue, quant à lui, m’assurait que les effets indésirables dont je lui parlais n’étaient pas tous dus au médicament mais étaient le résultat d’une dépression post traumatique liée au cancer lui même! A ce jour, je ne sais pas lequel des deux avaient raison. Quoi qu’il en soit, j’ai vécu 5 années entre parenthèses mais rassurée de me dire que je luttais encore contre  ces maudites cellules. Mes enfants, mes proches, m’ont donné la force de continuer. Je ne sais pas si ce traitement m’a empêché de récidiver pour l’instant, et personne ne le saura jamais, mais j’ai l’impression d’avoir utilisé toutes les armes mises à ma disposition.

Je pense bien sûr, aussi à toutes celles qui, souffrant d’un cancer triple négatif, sans récepteur détecté à ce jour  ne disposent donc ni d’aucun arsenal thérapeutique pour continuer le combat.  Celles qui sont démunies et qu’on laisse seules face à leurs angoisses de rechute, précisant en plus que la maladie est  particulièrement agressive. Qu’en pensent-elles? Ne rêveraient elles pas de disposer d’un médicament qui, s’il n’assure en rien la guérison, les protègerait de façon indéniable.

Néanmoins, si sincèrement je ne comprends pas, je ne juge en rien toutes ces femmes qui arrêtent, qui décident que leur qualité de vie est finalement plus importante que le risque potentiel de rechute, qui préfèrent vivre quelques belles années en forme plutôt qu’une vie peut être plus longue mais tellement difficile. Chacune d’entre nous est responsable et maître de sa vie,  je ne cherche pas à convaincre.

Mais peut être que si cette hormonothérapie nous était expliquée, si les médecins nous prévenaient des effets potentiels auxquels on s’expose versus les risques avérés, s’ils ne niaient pas ce réel inconfort de vie, je dis  bien peut être, serions nous moins nombreuses à stopper tout traitement. Peut être également que si nos proches arrêtaient de nous considérer comme guéries dès la fin des chimios, s’ils entendaient nos plaintes, les choses nous seraient facilitées. A ce jour, au mieux, si nous sommes écoutées, les cancérologues pallient aux effets secondaires par d’autres médicaments : gels vaginaux, antidépresseurs, homéopathie …  viennent s’ajouter aux nombreux traitements que l’on a déjà ingurgités. Ce n’est pas une solution!

L’hormonothérapie a depuis 20 ans sauvé des vies et si ce traitement adjuvant ne nous protège pas assurément, il a le mérite d’exister.
Il est important, voire même urgent de trouver enfin des médicaments sans effets secondaires invalidants afin de permettre à chacune de vivre correctement tout en continuant de lutter. C’est encore et toujours par la recherche que nous réussirons. En attendant des femmes souffrent  et se démènent seules entre  peur de la récidive et risque avéré, jusqu’à faire un choix potentiellement dangereux pour leur vie !

Et vous, avez vous été confrontées à ce genre de décision?

Catherine Cerisey

Sources : la maison du cancer/ santelog.com

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